Dans la vallée, le vent souffle, et cette fois si il a vraiment l'air très en colère.
Surement la rivière qui l'épuise à chaque fois qu'il passe, ou la montagne qui le repousse durement.
Son souffle mordant se faufile dans les ruelles de la bourgade qu'il traverse.
Presque sans bruit, un chien qui aboie et quelques volets en bois qui claquent sont les seuls témoins de son étrange agissement.
Un peu plus haut dans le rue, le volet est bien attaché et il résiste à l'assaut fantomatique de l'élément.
Mais c'est ici que tout a commencé, c'est surement ici que tout finira.
Si contrairement au vent, on s'était légèrement attardé sur cette fenêtre, vous auriez observé une bien étrange scène. Deux jeunes soeurs en train d'imiter leur héroïque père. Même si d'héroïque, il n'avait que l'ambition car garde au château n'était pas plus dangereux que vendeur de fruits et légumes.
Mais les voila qui ayant chaussé les bottes de plaques du père et les épaulières, un duel acharné entre les forces du bien et les forces du mal se jouaient dans le petit salon. Le monde était proche de la destruction et les jeunes combattantes au bord de l'épuisement refusaient de perdre la partie.
finalement la trêve fut sonnée par l'arrivée de la mère dans la zone de combat qui de toute évidence influençaient de trop les parties en concurrence.
- Allez les enfants au lit.
Et sur la couche de paille le combat reprenait de plus belle, et c'est le sommeil qui achevait les adversaires.
Et les années passèrent, la plus jeune, Eygwen, plus solide, finissait par gagner plus souvent ces batailles de titans. Et c'est tout naturellement que la voie du combat fût son choix lors de la fête du soleil. La plus âgée était trop fine, trop grande, ne trouvait pas sa voie. Sa mère pour la consoler lui répétait sans cesse : mais t'es si belle, que tu trouvera un bon mari.
Bien sur l'idée d'un bon mari pouvait effectivement ravir les jeunes demoiselles du village, mais elle savait au fond d'elle que sa destinée était tout autre. Et c'est ainsi qu'elle réfléchissait à voix haute devant la fontaine centrale du village par une belle journée de fin de printemps.
- Et la magie, lui dit une douce voix dans son dos. As tu pensé à la magie ?
Intriguée la demoiselle se retourna pour découvrir une splendide femme dont la robe bleu irisée brillait de mille feux au soleil. Un sentiment de danger et de pouvoir électrisait la peau de la jeune femme en présence de cette inconnue. Celle ci ouvrit doucement les mains, ses lèvres remuèrent, et une forme apparue entre ses mains. Un livre. Livre qu'elle donna à la jeune fille qui restaient bouche bée devant la fontaine.
Elle tourna les pages, le livre était complètement vide, des centaines de pages blanches. Sur lesquels pas une seule ligne d'encre. Elle crut tout d'abord à une farce de sa soeur. En colère elle rentra chez elle et jeta le livre sur sa couche. Fatiguée par la chaleur et cette blague idiote, elle s'endormit sur son lit.
Des ailes blanches, des combats acharnées et la mort .. des armures, des étoiles qui explosent. Ces images volaient encore devant elle en se réveillant. Un bien étrange rêve.
Ses yeux se posèrent sur le livre, un léger halo bleu l'entourait, ce n'était pas une plaisanterie d'eygwenn. Elle avança sa main avec prudence, s'attendant à être mordue ou brulée vive par la reliure de cuir.
Un petit arc électrique se dessina au moment ou la peau toucha la couverture du livre magique.
Son souffle s'arrêta et elle ouvrit le livre à la première page .. et sous ses yeux une ligne se traçait composée d'arabesques étranges hypnotiques. Elle ne savait pas lire. Néanmoins, les mots apparaissaient dans son esprit : "comment t'appelles tu?" Très déroutée, et instinctivement l'image de sa mère, de cette protectrice, la frappa, et Decibelle fut le nom qu'elle choisit.
L'apprentissage de la magie a travers le livre ne fut pas sans heurt, pas assez forte pour soulever une arme, elle ne l'était pas tellement plus pour soulever le livre qui semblait s'alourdir avec l'encre et les pages qui se multipliaient. De plus la lecture ne faisant pas partie de son éducation précédente, lui faisait défaut de temps en temps pour prononcer ses formules.
La maison n'avait réussi à prendre feu que trois petites fois avant que les parents n'interdisent la pratique de la magie à l'intérieur des murs. Eygwen fut alors obligée de "réparer" à mainte reprise la casse de sa soeur mais aussi sa soeur elle même qui parfois se blaissait.
Et c'est ainsi qu'à la fête de la lune, ou les jeunes gens épousaient leur profession, que les talents guerriers et magiques des deux soeurs, les envoyèrent à la capitale pour continuer leur formation : Aède pour l'une et spiritualiste pour l'autre.
Et c'est sur le chemin qu'elles rencontrèrent trois autres vagabonds : Issyse, Maell, et Scyl. Trois autres femmes qui voulaient aussi découvrir le monde.
Et si vous êtes très sage, le vent viendra vous raconter d'autres histoires.